Les 50 ans du Cercle
Note présentée par Guillaume Labadens, vice-Président du Cercle européen, à l’occasion du vingtième anniversaire du Cercle – mai 1982.
C’est une vérité d’évidence que d’affirmer aujourd’hui la vocation européenne de Strasbourg, don de la géographie et des longs siècles de son histoire. Antique cité bâtie aux bords du Rhin, aux confins des pays germaniques et latins, elle a participé à la fois aux courants de l’axe Nord – Sud et aux influences réciproques de riches cultures. Aussi est-elle apparue, au gré des circonstances, tantôt comme un lieu privilégié pour les échanges pacifiques du commerce, des arts, des idées, tantôt comme la victime, et parfois l’enjeu, des plus violents conflits.
Un simple rappel des événements vieux d’un peu plus d’un siècle, de 1870 à 1945, montre qu’en l’espace d’une vie d’homme, une famille d’Alsace a changé quarte fois de nationalité et a vu les siens contraints de batailler sur tous les fronts en de durs combats qui trop souvent pouvaient les condamner à s’opposer les uns aux autres.
« Jamais plus ! », cet espoir ardent des peuples, renouvelé lors de chaque épreuve et toujours déçu, devait faire place à un dessein moins ambitieux peut-être, mais plus réaliste, qui pût se traduire en serments concrets : « Jamais plus entre nous ! », « Jamais plus dans notre Europe ! ».
Déjà le 21 mars 1943, au cœur de la guerre, Winston Churchill dans un discours au peuple britannique fixait, parmi les grandes tâches les plus nécessaires et les plus urgentes de la paix à venir, celle de créer un « Conseil d’Europe » : « C’est en Europe qu’ont pris racine la plupart des causes qui nous ont menés à ces deux guerres mondiales. C’est en Europe que vivent les races-mères qui ont engendré presque toute notre civilisation occidentale. Je crois pour ma part être un bon européen et c’est une tâche pleine de noblesse que de prendre part à la renaissance du fécond génie et à la restauration de la véritable grandeur de l’Europe ».
1945 : la guerre est finie. Au retour d’un périple dans l’Allemagne en ruines, le Général de Gaulle vient le 5 octobre à Strasbourg présider à la réouverture de l’Université ; le soir il s’adresse du balcon de l’Hôtel de Ville à la multitude assemblée sur la place Broglie ; ce ne sont pas des chants de victoire mais des propos de réconciliation entre peuples voisins, avec une éloquente péroraison : « Oui ! Le lien de l’Europe occidentale, il est ici, il est le Rhin qui passe à Strasbourg ! ».
Il faudra près de quatre ans pour mûrir le projet de création du Conseil de l’Europe. Le 5 mai 1949, lors de la signature à Londres du statut de la nouvelle institution, la proposition d’Ernest Bevin, Ministre des Affaires Étrangères du Royaume-Uni, d’en fixer le siège à Strasbourg sera approuvée à l’unanimité des dix pays fondateurs. Siège du Conseil de l’Europe auquel participent aujourd’hui vingt et un pays qui accréditent auprès de lui d’importantes représentations diplomatiques, lieu de réunion du Parlement européen où se rassemble périodiquement les élus des dix pays signataires du Traité de Rome, Strasbourg abrite encore la Commission et la Cour européenne des Droits de l’Homme ainsi que d’autres établissements parmi lesquels la Commission Centrale pour la Navigation du Rhin, doyenne des institutions internationales sur la place.
Si elle se défend de prétendre au titre orgueilleux de capitale de l’Europe, si elle ne cherche pas à attires dans ses murs de trop nombreuses administrations et hiérarchies « eurocratiques », Strasbourg tient cependant à accueillir les organismes essentiels où peut s’élaborer le destin de l’Europe. En bref, elle revendique sans conteste le titre de Capitale de l’esprit européen, pour rester fidèle à la vocation qu’elle tient d’une histoire, trop souvent douloureuse, inscrite à jamais dans la conscience de l’Alsace entière.
Réaliser la symbiose d’une population autochtone et d’une communauté de diplomates et de fonctionnaires internationaux n’est pas à priori chose facile. Ce fut pourtant une réussite grâce aux effets conjugués de plusieurs facteurs favorables : les dimensions de la ville demeurées à une échelle humaine, les efforts déployés par les autorités municipales pour faciliter les rencontres, enfin et pour beaucoup les dispositions naturelles des Alsaciens : leur intérêt pour les problèmes européens, leur goût de s’informer, leur esprit d’ouverture hérité du vieil humanisme rhénan. Bientôt de solides amitiés se nouèrent entre Strasbourgeois et résidents « européens ».
Résolu avec les permanents, le problème se présentait de tout autre manière à l’égard des itinérants : parlementaires venant siéger aux sessions des assemblées, ministres appelés en comités, experts nationaux ou internationaux, avec leur cortège habituel de fonctionnaires, de secrétaires, de journalistes.
Sans doute, à l’occasion des réunions importantes, les autorités de la Ville et du Département organisaient-elles de brillantes réceptions où pouvaient aisément s’ébaucher des relations, mais il convenait de les prolonger en ouvrant avec simplicité et cordialité aux étrangers de passage les demeures strasbourgeoises. Tâche difficile et réservant parfois des surprises, telle l’aventure d’une délégation grecque de quatorze membres conviée à dîner dans un foyer strasbourgeois et que – erreur d’orientation ou malentendu – les hôtes attendirent en vain devant une table servie !
Les obstacles furent rapidement surmontés grâce aux ressources inépuisables de l’institution féminine qui sait allier l’intelligence du cœur au sens pratique et à la promptitude des décisions. C’est ainsi qu’au mois de juin 1957, alors qu’il importait d’accentuer en vue de recevoir à Strasbourg les parlementaires délégués à la nouvelle assemblée commune issue du Traité de Rome, une association exclusivement féminine prit naissance sous le nom de « Cercle des Amitiés européennes ». Elle était le fruit de conversations nouées au cours de réunions amicales au Château d’Osthoffen où le Secrétaire Général adjoint du Conseil de l’Europe de cette époque, Dunstan Curtis, européen convaincu et strasbourgeois d’adoption, avait vivement encouragé ses interlocutrices à mettre en œuvre leurs projets en matière d’accueil des européens à Strasbourg.
Dès la fondation les animatrices, Mesdames René Graff et Pierre Pflimlin, réunissaient 70 adhérents dont le nombre s’accrut jusqu’à atteindre 350 en peu de temps, cependant que surgissait aussitôt une floraison de manifestations de tous ordres : visites de la ville, excursions en Alsace et au-delà de ses frontières, représentations théâtrales en langue française ou étrangère, grandes conférences, fête organisée pour le 10ème anniversaire du Conseil de l’Europe en 1959, concerts, repas en commun ou réceptions plus intimes dans des foyers strasbourgeois, et bien d’autres. Très vite les délégués aux réunions de Strasbourg, souvent accompagnés de leurs épouses, apprirent à connaître et à apprécier l’agrément d’une ville amies, ouverte aux formes d’intérêt les plus diverses. Une charmante plaquette commémorative des dix premières années d’activité du « Cercle des Amitiés européennes » relate avec trop de modestie une partie de ce qui fut brillamment réalisé pour le prestige européen de Strasbourg et pour la renommée de son accueil au cours de cette période décisive.
Une des originalités de l’entreprise tenait à la simplicité des moyens : une cotisation modique pour couvrir les frais de secrétariat, la prise en charge par chaque membre de sa participation personnelle aux frais de chacune des manifestations, éventuellement augmentées de celle de quelques invités, mais, par-dessus tout, une mobilisation des bonnes volontés des adhérentes afin d’obtenir l’efficacité attendue sans faire appel à un lourd appareil administratif.
La seule lacune était l’absence d’un lieu de réunion spécifique, d’une sorte de foyer européen accessible aux visiteurs imprévus. Des médisants ne raconterait-ils pas qu’un illustre européen, de passage à Strasbourg pour quelques heures, aurait été vu longuement au Buffet de la gare, contraint d’y chercher refuge pour étudier ses dossiers ? N’allait-on pas jusqu’à prétendre, en parodiant Pascal avec beaucoup d’irrévérence, que les « Amitiés européennes » formaient un cercle dont la circonférence était partout et le centre nulle part ?
La cause est entendue et, au début de l’année 1962, les efforts conjoints du Secrétariat Général du Conseil de l’Europe, du Cercle des Amitiés européennes, de la Ville de Strasbourg et des milieux économiques de la cité s’appliquent à mener à bien la création d’un nouvel organisme : le « Cercle européen de Strasbourg ».
L’article 1er de ses statuts définit parfaitement les buts recherchés par les fondateurs :
Il est fondé sous le nom de « Cercle européen de Strasbourg » une association dont le but est de créer un lieu de réunion à Strasbourg permettant à ses membres de se rencontrer dans une atmosphère agréable et amicale, d’approfondir leur connaissance des problèmes internationaux et européens et de contribuer, en favorisant les contacts entre Strasbourgeois et personnalités européennes, à l’accomplissement de la mission européenne de Strasbourg.
Ces intentions sont reflétées par la composition du premier Comité provisoire dont les fonctions seront ultérieurement confirmées par l’Assemblée des membres. Le Président fondateur est le Secrétaire Général adjoint du Conseil de l’Europe P. Modinos, ami de Strasbourg de longue date, dont l’expérience et la sagesse s’accompagnent d’une autorité bienveillante propre à vaincre les difficultés initiales d’une telle entreprise. Il est assisté de quatre Vice-présidents : un européen ami de Strasbourg, Dunstan Curtis, et trois Strasbourgeois amis de l’Europe, le Sénateur Paul Wach, Adjoint au Maire, et les dirigeants des deux banques régionales.
Nous trouvons aussi près de lui, comme il se doit, les fondatrices des « Amitiés européennes », Mesdames René Graff et Pierre Pflimlin, appelées comme de bonnes fées à se pencher sur le berceau de la jeune association. Le reste du Comité réunit, selon l’esprit qui doit animer le Cercle, personnalités diplomatiques et notables strasbourgeois, parmi lesquels doivent être spécialement cités ceux qui ont accepté les tâches de Secrétaire Général : Maître Lucien Baumann, et de Trésorier : Raymond Axelroud.
Si l’on peut faire confiance au Comité, Président en tête, pour assurer la ligne générale d’orientation du Cercle, il importe avant tout de réaliser les installations matérielles indispensables. Le choix de l’emplacement tout d’abord, est grandement facilité par l’intervention de la Ville de Strasbourg qui, ayant acquis un immeuble de belle apparence dans le quartier proche du Conseil de l’Europe et des ambassades à l’angle de la rue Massenet et de la rue Trubner, accepte de le donner en location à l’association des membres du Cercle, les aménagements intérieurs nécessaires demeurant à leur charge.
Au cours de la première réunion plénière officielle du Comité de Direction, tenue le 2 avril 1962 dans un bureau de la Chambre de Commerce, le projet de ces aménagements établi par un ensemblier parisien est approuvé, à la condition d’en sous-traiter l’exécution à des firmes strasbourgeoises, sous la surveillance du Colonel Hemmerlé désigné temporairement comme Directeur du Cercle. Dans la même séance deux Commissions sont nommées, l’une pour étudier la question du restaurant et du choix du personnel à demeure, l’autre pour résoudre le problème urgent du financement de l’installation et de la mise en route du Cercle. Enfin une liste de plus de 200 candidatures de membres est soumise et approuvée.
C’est au siège du Cercle, le 1 rue Massenet, que se tient la réunion suivante le 3 mai 1962 ; le Comité constate avec plaisir les rapides progrès des travaux en cours. La Commission financière soumet ses conclusions : les cotisations des membres ne doivent servir qu’à couvrir les dépenses courantes ; les frais d’installation sont à financer d’une part grâce aux droits d’entrée, d’autre part au, moyen de bons remboursables en dix ans, sans intérêts. Quelques personnes ou sociétés pressenties à ce sujet ont déjà donné un accord de principe mais il faudra élargir cette campagne par un appel signé du Président et des deux vice-Présidents banquiers et l’appuyer de démarches personnelles.
En fait l’avenir montrera qu’à l’échéance plus de la moitié des souscripteurs se montrent généreux en abandonnant leur créance, les autres acceptant un renouvellement décennal. Après qu’une nouvelle liste de candidatures d’une vingtaine de membres ait été approuvée, il est proposé, compte tenu de l’état d’avancement des travaux, de fixer au 23 mai l’inauguration des locaux du Cercle ; le Président signale à ce sujet que grâce à l’obligeance du Maire de Strasbourg qui a bien voulu donner l’autorisation nécessaire, M. Hans HAUG, Directeur des Musées, a accepté de prêter pour la décoration intérieure un certain nombre de tableaux et d’estampes. Il est prévu de les assurer pour un montant correspondant à l’évaluation des Musées ; sage précaution car le 23 mai 1977, quinze ans jour pour jour après l’inauguration, on découvrira que la plupart de ces œuvres ont disparu dans la nuit, emportées par des voleurs, très détendus, au point de mentionner leur passage sur le Livre d’Or des visiteurs. Elles n’ont jamais pu être retrouvées et ce fâcheux incident dont le Comité a gardé le mémoire explique la pauvreté relative de reproductions de gravures qui décorent aujourd’hui les murs des salons.
Le 23 mai 1962, date fixée pour l’inauguration, une bonne part des quelques 230 membres déjà inscrits se retrouvent au n°1 de la rue Massenet ; il s’agit, non d’une manifestation solennelle, mais d’une simple présentation aux invités des salons de leur Cercle, prolongés au rez-de-chaussée par une agréable terrasse donnant sur le jardin. Le même jour, le Comité s’est réuni pour un rapide examen des problèmes à résoudre avant que puisse être envisagé une ouverture effective ; il a nommé à cet effet un certain nombre de Commissions pour l’élaboration définitive du règlement intérieur, pour la question des jeux, dont est chargé M. Max Gadelle, pour celle de la bibliothèque, confiée au Doyen Alex Weill et au Professeur Jean Leclan, pour celle du bar et du tarif des consommations dont s’occupera M. Maurice Damour, etc … Dès la mi-juin le restaurant peut fonctionner et le Comité décide d’adresser une lettre circulaire aux membres du Parlement européen et de l’Assemblée Consultative accompagnée d’une carte d’invité valable pour la durée de leur séjour à Strasbourg.
Le Cercle européen de Strasbourg commence à vivre. L’activité des mois d’été, époque traditionnelle des vacances, est assez peu significative ; elle marque cependant une tendance au développement du service de restaurant qui va s’accroître à la rentrée de septembre, mais la fréquentation du Cercle en dehors des repas, est quasi nulle. Cette évolution s’accentue et il faut constater que les salons sont pratiquement vides tous les jours entre 15 heures et 19 heures. La formule d’un Cercle d’hommes à la mode anglo-saxonne ne semblant pas s’acclimater, le Comité envisage, en dépit de quelques réticences, d’ouvrir les portes aux femmes, ou plus précisément « aux épouses » ainsi qu’en témoigne le paragraphe suivant d’une lettre circulaire adressée aux membres le 15 novembre 1962, dont la prudence mérite d’être soulignée :
« Une question qui nous est souvent posée concerne la fréquentation du Cercle par les épouses des membres. Nous rappelons que pareille fréquentation est fort souhaitable. Les dames peuvent venir au Cercle seules ou avec leurs maris ; elles peuvent organiser des parties de bridge et, en général, considérer le Cercle comme le leur ».
La même circulaire rappelle que le restaurant fonctionne tous les jours pour le déjeuner et le dîner avec un « menu très convenable à 10 NF. Environ » ; elle signale que chaque mercredi les membres sont priés de venir de 18 heures à 20 heures avec les plus grandes chances d’y rencontrer leurs amis et annonce que l’Assemblée Générale fixée au 8 décembre sera suivie d’un cocktail offert aux membres et à leurs épouses.
Infléchir quelque peu la doctrine a parfois d’heureuses conséquences et l’apport féminin se révèle précieux. Moins d’un an plus tard, au début de l’automne 1963, le Président Modinos peut dresser le bilan d’activité favorable ; le but recherché a été atteint : constituer un endroit agréable où se rencontrer.
Depuis ses débuts le Cercle a reçu environ 5.000 personnes dont 2.800 au cours de réceptions. Il a été servi plus de 1.600 repas. Un programme de réunions amicales est envisagé sous forme de dîners pour les membres du Cercle et leurs épouses et une Commission restreinte associant Madame Renborg et Madame Amandry au Secrétaire Général Maître Baumann est chargé d’en assurer l’organisation.
L’année suivante, à l’automne 1964, le Comité se félicite du succès des manifestations réalisées et décide d’élaborer un cycle de conférences sur divers problèmes européens qui, inauguré par Monsieur Chatenet, Président de la Commission de l’EURATOM, sera très apprécié.
Il en est de même en 1965, 1966 et 1967 : les conférences sur des sujets touchant l’Europe se poursuivent ainsi que les dîners aux formes variées qui valent des félicitations à l’équipe d’organisatrices, Mesdames Wohlfarth et Huck, ainsi qu’à leurs devancières. Quant à la situation financière, après une période difficile, les comptes d’exploitation tendent à s’équilibrer en raison d’une augmentation lente mais continue du nombre des membres et grâce au rajustement des tarifs des réceptions.
Aussi lorsque le Comité de Direction du 10 octobre 1968 doit prendre acte à regret de la démission du Président Polys Modinos appelé à rejoindre Paris où l’attendra bientôt le poste d’Ambassadeur de Chypre, il ne peut que lui rendre un éclatant hommage ainsi qu’à Madame Modinos, Présidente née, pour l’œuvre accomplie à Strasbourg et notamment pour l’activité déployée pendant plus de six ans dans la création et l’animation du Cercle européen de Strasbourg. À l’unanimité le Comité lui confère, en reconnaissance de son action, le titre de Président Fondateur.
Le départ du Président Modinos étant prévu depuis un certain temps, il avait été loisible au Comité de pressentir son successeur et, à cette occasion, d’établir le point de départ d’une coutume non écrite applicable aux successions de cet ordre. Après réflexion, le Comité de Direction avait estimé que la présidence du Cercle devait revenir de préférence à une personnalité étrangère : haut fonctionnaire appartenant à une institution européenne siégeant à Strasbourg ou Chef de mission diplomatique accrédité auprès d’elle.
C’est ainsi que fut immédiatement proposé et unanimement décidé de porte à la Présidence le Représentant Permanent de l’Autriche auprès du Conseil de l’Europe, l’Ambassadeur Wilfried Gredler qui occupait d’ailleurs depuis deux ans une des Vice-Présidences au sein du Comité et avait eu l’occasion de témoigner son intérêt aux manifestations du Cercle.
Dès sa nomination, il fait part des orientations d’activité sur lesquelles il souhaite mettre l’accent : il aimerait conserver le nouveau style des dîners d’amitié, déjà inauguré avec des spécialités autrichiennes, en s’adressant tour à tour aux représentants de Grèce, d’Espagne, des Pays nordiques, etc. en vue d’élaborer des repas typiques de chaque pays. Cet effort de gastronomie européenne devait conduire à de brillantes réussites de nature à récompenser les efforts des dévouées organisatrices. Pour les conférences, il envisagerait plutôt de développer la formule des dîners-débat ou des dîners-conférence sur des sujets d’ordre économique, artistique ou politique, éventuellement en collaboration avec le Club européen animé par M. Sten Renborg. Ceci devrait permettre aux membres du Cercle de bénéficier notamment d’une conférence d’Henri Guillemin sur Tolstoï au cours d’un dîner suivant l’Assemblée Générale du 9 mai 1969, d’un dîner-débat le 9 octobre avec la participation de M. Toncic-Sorinj, ancien Ministre des Affaires Étrangères d’Autriche, récemment élu Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, sur « le rôle des organisations internationales » et d’un dîner-débat le 26 janvier 1970 en l’honneur de M. Reverdin, Président de l’Assemblée Consultative, sur « La situation du Marché Commun ».
Mais le temps passe vite ; à peine a-t-on trouvé une date pour un dîner martiniquais (il est permis de s’évader de l’Europe un jour de mi-Carême) que l’Assemblée Générale de Mai 1970 intervient. Puis c’est l’annonce d’une réception au Cercle le 22 octobre 1970 où le Président Gredler, appelé à quitter Strasbourg, prendra congé des membres du Cercle, dont il demeurera Président d’Honneur. Comme toujours, gracieuse à ces côtés, Madame Gredler sera parée pour la circonstance d’un charmant costume autrichien.
Les hasards de la carrière diplomatique devant conduire à Bonn l’Ambassadeur et Madame Gredler, ils seront en mesure de maintenir des liens avec leurs nombreux amis strasbourgeois.
Le 11 janvier 1971, le Comité de Direction porte à la Présidence, à l’unanimité, l’Ambassadeur J. Robey, Représentant Permanent de la Grande-Bretagne auprès du Conseil de l’Europe, qui vient d’être élu membre du Comité par une Assemblée spécialement convoquée pour le même jour.
Au printemps est inaugurée la formule des déjeuners mensuels du premier lundi de chaque mois : déjeuner rapide à midi, suivi d’une courte conférence-débat à 13 heures, le tout se terminant à 14 heures.
L’idée a été lancée par Madame Pflimlin et le Maire de Strasbourg a accepté de prendre la parole à la première réunion. Elle recueille un très grand succès. La participation au déjeuner, bien que vivement souhaitée, n’est pas obligatoire, ce qui laisse la possibilité de réserver une heure pour la conférence seule.
À l’automne 1971 le Cercle entre dans la dixième année de son existence. N’est-ce pas le temps de s’accorder un peu de réflexion. Et pourquoi celle-ci ne conduirait-elle pas à méditer un peu sur le rôle des femmes dans la société, et plus spécialement dans la petite société que constitue un Cercle européen et strasbourgeois ? Il existe toujours un Cercle des Amitiés européennes, club féminin qui poursuit brillamment son action bien que certaines de ses activités initiales lui aient été prises soit par les autorités publiques, Villes et Département, soit par le Cercle européen de Strasbourg lui-même ; il a su se tourner vers d’autres domaines, tels que l’accueil des étudiants étrangers par exemple, et se renouveler sans cesse.
Et le Cercle européen de Strasbourg, que fait-il ? Sans doute ses manifestations montrent qu’il est bien vivant mais, lorsqu’il s’agit de les réaliser pratiquement, on voit le Comité de Direction nommer trop souvent des « Commissions restreintes » composées de quelques personnes dévouées qui organisent, s’affairent et finalement apportent le succès. Ce sont des femmes. Elles ont droit, bien-sûr à des remerciements et des éloges, mais leur donne-t-on la place qu’elles méritent dans les structures de l’association ?
Peut-être le cheminement des pensées du Président John Robey l’a-t-il amené à des conclusions analogues. Bref, au Comité du 8 octobre 1971, il propose de créer un « Comité des fêtes » présidé par Madame Pflimlin, devant recevoir « tous concours qu’elle jugera utiles pour organiser ces manifestations n’entraînant pas de dépense pour les finances du Cercle ».
Ce Comité qui changera bientôt de nom pour prendre celui de « Commission des Activités » sera un des éléments moteurs essentiels dans la vie du Cercle.
Lors de l’Assemblée Générale du 24 avril 1972, qui précède de peu le dixième anniversaire de l’inauguration, les membres prennent connaissance avec satisfaction de la bonne situation financière et procèdent au renouvellement statutaire du tiers du Comité dans la composition s’est quelque peu modifiée au cours des ans. Il est constaté avec plaisir que le nombre de personnalités européennes participant au Comité a tendance à augmenter, témoignage de l’intérêt qu’elles portent à l’action du Cercle. Du côté des Strasbourgeois, on note le départ de certains pionniers de la première heure : c’est ainsi que Maître Lucien Baumann, après avoir longtemps rempli avec zèle les fonctions de Secrétaire Général, a demandé, tout en restant membre du Comité, à les résilier pour réserver plus de temps sans doute au barreau et à la poésie ; il est aujourd’hui remplacé par M. Léon Becker. Quant à l’actif et dévoué Trésorier qui a su habilement triompher des difficultés initiales, Raymond Axelroud, son départ de Strasbourg à entraîner sa démission ; M. Michel Wilhelm, assisté de Maurice Damour, a pris sa succession. M. Emile Rudlof assumera la charge de Secrétaire administratif. Enfin la jeune et dynamique Commission des Activités se promet de faire appel à de nouveaux concours particulièrement bienvenus.
Dès cette époque, la Commission prend l’initiative de faire adresser à tous les membres, au début de chaque trimestre, un dépliant cartonné tenant lieu d’invitation à toutes les manifestations programmées pour les trois mois à venir, dont la nature est bien précisée ainsi que le coût ou les modalités d’inscription s’il y a lieu. Nul ne peut donc invoquer l’ignorance ou l’oubli et se trouve en mesure de choisir en connaissance de cause les activités auxquelles il souhaite participer.
Le choix se révèle d’ailleurs de plus en plus large : à titre d’exemple, pour la période d’automne 1972 et d’hiver 1973, en dehors des déjeuners-conférences des premiers lundis dont le succès ne se dément pas, il est proposé d’assister à deux dîners-conférences, l’un animé par Monsieur Behrendt, Président du Parlement européen, l’autre par M. Toncic-Sorinj, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, de visiter le secteur sauvegardé de Colmar avec Monsieur Bertrand Monnet, architecte des Monuments Historiques, de prendre part à une réunion amicale de fin d’année autour d’un « vin chaud », enfin de se rendre au Bal du Conseil de l’Europe.
Le 6 mai 1974, le Cercle s’associe à la célébration du 25ème anniversaire de la création du Conseil de l’Europe, à laquelle la France est représentée par le Président Alain Poher qui assume à titre intérimaire la plus haute charge du pays. Mais bientôt l’Ambassadeur John Robey, atteint par la limite d’âge inexorable de la diplomatie britannique, se prépare à rejoindre sa demeure de retraite à Crow Borough dans le Sussex. Au cours d’un dîner d’adieux, le 21 juin 1974, auquel participent le Préfet Sicurani et le Recteur Guyard, les membres viennent en grand nombre lui témoigner leur sympathie et lui exprimer, avec leur vive reconnaissance pour son action efficace à la Présidence du Cercle, les regrets que suscite son départ de Strasbourg et celui de Madame Robey dont les Strasbourgeois n’oublieront pas l’élégance et le dynamisme.
Le comité de Direction du 27 juin 1974, auquel assiste encore le Président d’Honneur John Robey, décide à l’unanimité d’appeler à sa succession le Représentant Permanent des Pays-Bas auprès du Conseil de l’Europe, l’Ambassadeur Joseph Welsing, déjà membre du Comité.
Aux déjeuners-conférences des premiers lundis (qui permettront notamment d’entendre un des Fondateurs du Cercle, Dunstan CURTIS, de passage à Strasbourg en sa nouvelle qualité de Député au Parlement européen) vont s’ajouter dans le programme des prochaines activités un dîner en l’honneur du nouveau Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Monsieur Georg Kahn-Ackermann, le 10 décembre 1974.
À l’Assemblée Générale du 21 avril 1975 plusieurs membres tiennent à manifester le grand plaisir qu’ils éprouvent à prendre part aux excursions dans les Vosges organisées depuis deux ans environ par la Commission des Activités : sous la conduite de Monsieur Stanley Hunt pour qui les sentiers de montagne et de la forêt n’ont pas de secrets. Ils sont de plus en plus nombreux à souhaiter que ces promenades soient plus fréquentes. Satisfaction leur sera donnée. D’autre part un déplacement en Lorraine, à Nancy et Pont-à-Mousson, est prévu pour la fin de mai. Malheureusement au début du mois de juin, le Président Welsing fait part de sa prochaine démission motivée par son départ de Strasbourg. Le Comité est unanime à regretter que soit ainsi écourtée une Présidence engagée sous les meilleurs auspices ; il prie l‘Ambassadeur Welsing d’accepter, en témoignage de sympathie et de reconnaissance pour les éminents services rendus, le titre de Président d’Honneur et de présenter à Madame Welsing ses vifs remerciements qu’elle a su donner à l’activité du Cercle.
Dans sa séance du 6 octobre 1975, le Comité de Direction porte à la Présidence Monsieur l’Ambassadeur Alfred WACKER ; Représentant Permanent de la Suisse auprès du Conseil de l’Europe. Un dîner organiser en son honneur le 9 janvier 1976 réunira un grand nombre de convives. Son action s’étendra sur une durée de cinq ans et pourra ainsi s’exercer efficacement dans le double domaine du fonctionnement intérieur du Cercle et de son rayonnement extérieur. En matière d’administration intérieure, il sera institué deux nouvelles Commissions du Bâtiment, présidée par le trésorier, responsable des problèmes touchant l’immeuble et le mobilier la Commission des Admissions, présidée par le Secrétaire Général, responsable de l’examen des demandes d’admission, tâche particulièrement importante dans la perspective d’une augmentation de l’effectif des membres (en respectant le maximum statutaire de 350) liée à un rajeunissement souhaitable.
Dans le domaine des manifestations extérieures la Commission des Activités en liaison étroite avec le Comité et le Président, conserve naturellement le rôle essentiel d’animation qu’elle continuera de jouer avec un brillant succès. Mais il faut renoncer à rappeler chronologiquement les multiples activités déployées au cours d’une aussi longue période, ce qui ne pourrait conduire qu’à une confuse énumération, et mieux vaut les grouper par genre.
Le calendrier des déjeuners-conférences du lundi est assoupli pour permettre notamment de tirer avantage de la présence à Strasbourg de personnalités de passage à l’occasion des sessions parlementaires ; en revanche, afin de faciliter les rencontres entre les membres du Cercle, un déjeuner présidé par un membre du Comité est prévu chaque lundi, qu’il soit suivi ou non d’une conférence.
Quelques dîners de caractère plus solennel sont organisés chaque année soit systématiquement à la rentrée de l’automne, soit pour une circonstance exceptionnelle. Ils ont pour but d’accueillir ou d’honorer une personnalité et donnent lieu parfois à un débat.
Le 30 janvier 1976.
Dîner en l’honneur de Monsieur Czernetz, Président de l’Assemblée du Conseil de l’Europe sur le thème : Helsinki, ein Ersatzfriede.
Le 28 septembre 1976.
Dîner de rentrée en l’honneur du Préfet de la Région Alsace, Préfet du Bas-Rhin et de Madame Verger.
Le 3 octobre 1977.
Dîner de rentrée en l’honneur du Maire de Strasbourg, Président de la Communauté Urbaine, et de Madame Pierre Pflimlin.
Le 28 février 1978.
Dîner en l’honneur de Monsieur Pierre-Henri Teitgen Ancien Ministre, Juge à la Cour européenne des Droits de l’Homme, sur le thème : 30 ans de Coopération européenne.
Le 29 septembre 1978.
Dîner de rentrée avec le Club International « La Redoute » de Bonn-Bad Godesberg (Monsieur Georg Kahn-Ackermann, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, interviendra).
Le 28 mars 1979.
Dîner en l’honneur de Monsieur H.J. De Koster, Président de l’Assemblée du Conseil de l’Europe.
Le 2 octobre 1979.
Dîner de rentrée en l’honneur de M. Franz Karasek, Secrétaire Général du Conseil de l’Europe et de Madame Karasek.
C’est autour de tables moins officielles et avec la coopération des Représentants Permanents et de leurs épouses que se poursuit l’inépuisable enquête sur l’extraordinaire diversité de la gastronomie européenne : dîner de spécialités italiennes, belges, espagnoles, suédoises à l’occasion de la Sainte Lucie, et turques ; puis retour aux spécialités autrichiennes non sans avoir tâté des américaines. Dégustées à Geudertheim, à Ittenheim ou ailleurs, les spécialités alsaciennes ne sont pas négligées et les diverses boissons nationales : bières, vins, whisky ou autres font l’objet d’intarissables études.
Parfois sont offertes les nourritures spirituelles d’une « Soirée de Poésie » telle celle consacrée à al lecture des poèmes d’un distingué membre du Comité, Maître Lucien Baumann, ancien Secrétaire Général du Cercle devenu entre-temps Bâtonnier de l’Ordre des Avocats. Nourris de poésie, instruit par la prose de nombreux et éminents conférenciers sur les sujets les plus variés dans l’ordre des connaissances politiques, économiques, littéraires ou artistiques, les membres du Cercle se laissent bientôt tenter par le démon des voyages afin de toucher sur place, par eux-mêmes, les réalités des pays voisins.
Tout est motivé dans le choix de ces voyages. Le Conseil de l’Europe ayant, par un certain nombre d’expositions, présenté les « aspects de la vie populaire en Europe » une participation au carnaval de Bâle en 1977, à celui de Cologne en 1978, à celui de Binche en 1979 paraissait s’imposer. Des déplacements de plus longues durée conduisent à Munich avec visite des châteaux de Bavière en juin 1977 ; à Anvers à l’occasion de l’Exposition RUBENS en juillet 1977. Voyage aussi en Angleterre (Oxford, Bath et le pays des Costwolds) en juin 1978 ; voyages en Suisse sur le thème : « les confluents de culture et de langue en Suisse » à la fin de mai 1979, durant lequel les participants eurent le privilège d’être reçus dans la magnifique demeure du Président et de Madame Wacker : voyage à Venise, au début de novembre 1979, au « Centre européen de formation des artisants pour la restauration du patrimoine européen » sous la conduite de Victor de Pange ; visite à Bâle de ce que la presse appelait « l’orgueilleuse tour » de la Banque des Règlements Internationaux avec exposé de son Directeur Général Monsieur René Larre ; voyage à Florence, à l’occasion de la XVe Exposition européenne d’Art du Conseil de l’Europe au début de juin 1978.
Les soirées dansantes sont peu nombreuses, mais au rythme de trois par an ; les sorties dans les Vosges réunissent des adeptes fidèles et confiants dans leur guide éprouvé, Stanley HUNT. Nul mieux que lui ne saurait décrire l’atmosphère joyeuse de ces excursions et il convient de lui céder la plume.