Les premiers 20 ans (2/2)

Les 50 ans du Cercle

« CERCLE EUROPÉEN VOSGES TROTTERS »

Il est peut-être difficile de s’imaginer les sages personnages qui composent le Cercle européen et qui normalement discutent dans un décor confortable de l’unification de l’Europe se transformant en groupe de montagnard partant sac à dos de bon matin le dimanche pour les sentiers des Vosges.

C’est pourtant ce qui se passe depuis 1974 trois fois par an, très régulièrement. Mais notre groupe n’est pas tout à fait comme les autres car nous allions la conversation à la marche et selon le nombre de participants, c’est une clameur ou même un véritable tumulte qui s’élève lentement vers les sommets.

Nous parvenons à organiser ces sorties sans règlements. Pourtant nous avons la particularité de partir à l’heure prévue et nous marchons pendant quatre, cinq ou même six heures, quel que soit le temps. Par un heureux hasard, en huit ans, le baromètre nous a toujours été favorable, sauf une fois au Storkenkopf où nous avons été pris dans un épais brouillard et où il neigeait. C’est alors que Mme Pflimlin a proclamé : « Je vous en conjure, faisons demi-tour ». Mais le groupe s’est permis de ne pas obéir.

Nous allons partout, dans les Hautes Vosges, dans les Vosges moyennes et dans les Vosges du Nord. L’ascension du Matterhorn des Vosges, le Rothenbachkopf, a été effectuée sans peine malgré le désir exprimé par certains – c’était il y a bien longtemps, en 1976 – de manger des poulets, après une heure et demie de marche.

Nous avons gravi le Treh et perdu un petit sous-groupe constitué par M. le Président de la Chambre de Commerce qui avait fait preuve d’un désir d’autonomie, répudié par la suite à la vue de voitures envoyées à sa recherche. D’autres se sont égarés momentanément seulement et aucun poste, même pas celui de M. le Secrétaire Général de la Mairie n’a eu à être déclaré vacant.

Nous sommes allés à Senones où le long discours du Lord Maire nous fit rater le petit train de Moyenmoutier. Nous avons fait le Kahler Wasen et pris le repas des marcaires (c’est-à-dire des bergers) à l’auberge du Ballon pour redescendre ensuite à Metzeral par le merveilleux sentier non balisé du Steinberg.

Au Grand Drumont, le groupe s’est conduit de manière tout à fait excentrique avec beaucoup d’arrêts, la progression se faisant d’un pas solennel. Enfin, nous avons visité, après une assez longue promenade dans la région des lacs, les vestiges de l’abbaye de Pairis. Tout dernièrement, nous étions dans le pays de Bitche qui est le plus froid de France, dit-on, et qui est aussi celui des cristalleries.

Jusqu’à présent, nous n’avons pas réalisé l’ascension du Grand Ballon par clair de lune mais nous pensons le faire dans l’espoir de voir l’aurore, s’il ne pleut pas, du sommet.

« Combien sommes-nous ? Entre quinze et trente (dont certains toujours sur le point de payer leur cotisation au Cercle), stimulés et aiguillonnés par Mme Pflimlin qui est l’âme de ces promenades, qui n’en a jamais manqué aucune et à qui nous désirons exprimer tous nos remerciements et notre reconnaissance. »

Si nous quittons les cimes des Vosges pour rejoindre les Salons du n°1 de la rue Massenet au printemps de l’année 1980, nous y apprendrons que le Président Wacker a manifesté son intention irrévocable de renoncer à la Présidence avant l’été. Malgré l’insistance du Comité, il est impossible de le faire revenir sur sa décision. Au cours de sa séance du 9 juin 1980, le Comité de Direction s’incline à regret et tient à témoigner toute sa reconnaissance ainsi que celle de l’ensemble des membres du Cercle pour la maîtrise remarquable avec laquelle le Président sortant a conduit les destinées de l’association. Le titre de Président d’Honneur lui est conféré à l’unanimité à compter du 1er juillet 1980. Il lui est demandé d’exprimer à Madame Wacker les très vifs remerciements du Cercle pour la gentillesse et l’efficacité avec lesquelles elle a œuvré à ses côtés.

Dans la même réunion du 9 juin 1980, le Comité de Direction a coopté Monsieur l’Ambassadeur Ionnis Gregoriadis, Représentant Permanent de la Grèce auprès de Conseil de l’Europe, et l’a nommé Président à l’unanimité à partir de 1er juillet.

L’activité du Cercle s’est brillamment poursuivie pendant le dernier trimestre de 1980 et toute l’année 1981. Le dîner de rentrée qui devait avoir lieu en octobre 1980 en l’honneur du Président d’Honneur et de Madame Wacker ayant été reporté à sa demande, les seules manifestations de l’automne ont consisté en un voyage en Champagne (Reims-Epernay) les 18 et 19 octobre et un dîner dansant de fin d’année le 16 décembre auxquels s’ajoutent deux très intéressantes conférences dans le cadre des déjeuners du lundi et la traditionnelle sortie dans les Vosges du mois d’octobre.

Pour l’année 1981, en dehors des déjeuners-conférence habituels et des promenades dans les Vosges, le Cercle à organiser plusieurs dîners ou déjeuners en l’honneur de personnalités internationales éminentes telles que Madame Simone Veil, Présidente du Parlement européen, Monsieur de Areilza, Président de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, Monsieur M’Bow, Directeur Général de l’UNESCO, Monsieur Pettiti, Juge à la Cour européenne des Droits de l’Homme.

Enfin une visite au printemps de la Principauté de Liechtenstein et de sa capitale Vaduz où le Prince Nicolas offre une réception en l’honneur des membres du Cercle ; un week-end à l’automne dans la prestigieuse Bourgogne (Dijon, Hospices de Beaune, abbaye de Fontenay etc.), ont permis de satisfaire ent out point l’humeur curieuse des participants.

En 1982, l’intérêt des programmes ne se démentira pas. La Commission des Activités est assurée de l’appui du Président et de Madame Gregoriadis, pétris de culture et de finesse. Le Cercle peut aller de l’avant.
La commémoration du vingtième anniversaire de la création du Cercle européen de Strasbourg doit inciter à une réflexion sur la valeur de l’œuvre accomplie et sur les orientations de l’avenir.

Ceux qui, s’attachant à l’aspect extérieur de certaines manifestations, pourraient être tentés de les tenir pour futiles, feraient assurément fausse route.
Il nous faut revenir à la définition du rôle du Cercle telle qu’elle est exprimée dans l’article 1 de ses statuts. Le texte initial se bornait à énoncer comme but celui « de créer un lieu de réunion à Strasbourg permettant à ses membres de se rencontrer dans une atmosphère agréable et amicale ». L’adjonction du membre de la phrase : permettant… « D’approfondir leur connaissances des problèmes internationaux et européens et de contribuer, en favorisant les contacts entre Strasbourgeois et personnalités européennes, à l’accomplissement de la mission européenne de Strasbourg » pour tardive qu’elle soit, explicite le véritable intention des fondateurs, en allant, elle, à l’essentiel.

Si le Cercle peut éventuellement apporter quelques commodités aux personnalités européennes, c’est aux Strasbourgeois qu’est réservée la meilleure part. Tout concourt en effet à leur donner à la fois la connaissance et la sensibilité des problèmes que pose la formation de l’Europe. Les structures mêmes y contribuent : la composition du Comité de Direction où voisines étrangers et Strasbourgeois ; la règle de succession des Présidents qui permet de percevoir dans chacun d’eux non seulement son tempérament propre, mais aussi le reflet du caractère de son pays.
Quant aux manifestations, elles tendent toutes à former lentement un type nouveau, celui de « l’honnête homme » d’Europe à qui rien d’européen ne devrait être étranger.

Il faudra du temps pour retrouver la source d’un nouvel humanisme, mais le temps qui permet de parfaire une œuvre est aussi celui qui affadit les enthousiasmes et qui efface les souvenirs des ruines et des deuils. La bataille la plus sanglante cesse de paraître cruelle lorsque la plupart des combattants seraient morts de vieillesse ; déjà il en est presque ainsi à Verdun. Les destructions les plus affreuses sont oubliées lorsque la majorité des habitants de la ville reconstruite n’a jamais connu le visage de l’ancienne cité ; il en sera ainsi dans les villes d’Europe avant la fin du siècle. L’heure des disputes approche.

Si nous voulons une Europe vivante, une Europe fraternelle, il faut une Europe qui se souvienne, une Europe dont la jeunesse soit prémunie contre les guerres civiles de l’occident. Animé de l’esprit de Strasbourg, le Cercle européen pourra sans doute explorer cette voie et aider à montrer les chemins de la paix.

Strasbourg, le 23 mai 1982
Guillaume LABADENS
Vice-Président du Cercle européen de Strasbourg